Il était un grain de sable dans la puissante mécanique d’influence de Pékin dans le Pacifique Sud et a payé de son poste sa détermination. Daniel Suidani, premier ministre de Malaita, l’île principale des Salomon, avait usé de tous ses pouvoirs de leader provincial pour contrecarrer les ambitions de la Chine. Il s’opposait en cela au gouvernement central de ce petit archipel qui n’a cessé, depuis sa rupture avec Taïwan, en septembre 2019, de donner des gages à Pékin. Le 7 février, M. Suidani a été renversé par une motion de censure de son parlement. Dix jours plus tard, son successeur, Martin Fini, a précisé qu’il entendait autoriser les investissements chinois sur l’île, auxquels M. Suidani s’opposait systématiquement.
« Pour beaucoup dans la région, M. Suidani était un symbole de la résistance aux empiètements agressifs de Pékin, relève Cleo Paskal, chercheuse canadienne associée à la Fondation pour la défense des démocraties, un groupe de réflexion de Washington. Son gouvernement, soutenu par les chefs coutumiers, avait opposé un moratoire aux entreprises liées à la Chine dans sa province. Et il a tenu bon. M. Suidani a perdu son poste non pas parce que les habitants de Malaita ne voulaient pas de lui, mais parce que Pékin et ses alliés aux Salomon voulaient s’en débarrasser. »
Pour cette spécialiste, « cela pourrait bien constituer un tournant majeur dans l’influence grandissante de la Chine dans le Pacifique. Si Daniel Suidani a pu être ainsi mis de côté, et qu’aucune grande nation démocratique ne réagit, les autres responsables politiques de la région qui résistent à la Chine peuvent se demander s’ils ne seront pas les prochains. » La motion de censure votée par le Parlement de Malaita était téléguidée, selon elle, par la Chine et ses alliés locaux. En octobre 2021, un texte de la même nature avait déjà été déposé, avant d’être retiré sur fond de manifestations de soutien à Daniel Suidani.
Le revirement de Fidji
Cette avancée chinoise est d’autant plus remarquable qu’elle intervient après un revers majeur de Pékin dans la région, avec l’arrivée aux affaires, en décembre 2022, d’un nouveau gouvernement sur l’archipel des Fidji. Le pays, historiquement proche de la Chine, avait reconnu Pékin au détriment de Taïwan dès 1975.
Le 27 janvier, dans la foulée de son élection, le premier ministre fidjien, Sitiveni Rabuka, a opéré un revirement stratégique radical en retirant son pays d’un accord de coopération policière le liant à Pékin depuis 2011. « Nos systèmes démocratique et judiciaire étaient trop éloignés, nous revenons donc vers ceux qui ont des systèmes comparables aux nôtres », déclarait-il alors en évoquant sans les nommer l’Australie et la Nouvelle-Zélande. Son gouvernement, soucieux de diversifier ses soutiens, tend également la main à l’Inde, et a lancé une invitation à son premier ministre, Narendra Modi, à visiter le pays, ce qu’il n’a pas fait depuis 2014.
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